Simon Boulerice est partout. Il écrit de la fiction pour adultes, pour ados et pour jeunes. Il écrit aussi du théâtre et de la poésie. Ah oui, il est aussi dramaturge, metteur en scène, comédien et danseur. Un chausson avec ça? Je l’entends souvent à la radio. Il est peut-être aussi à la télé, mais comme je ne l’écoute pas… Bref, difficile de le manquer. Seulement en 2014, il a publié pas moins de six ouvrages: un roman pour ados, deux pièces de théâtre, un album jeunesse, un roman pour jeunes lecteurs et un roman pour les grands. J’en oublie sans doute.
Simon Boulerice, tout le monde l’aime. Il est drôle, attachant, attendrissant, et il écrit comme personne. Tout ceux qui connaissent son travail le porte aux nues. Je n’ai jamais lu d’avis négatif sur son œuvre. Nathalie Petrowski le qualifie de «voix les plus originales de sa génération». Il est devenu un des auteurs coup de cœur de Michel Tremblay. Rien de moins. Devant son succès, les éditeurs se l’arrachent. Il semble de bon ton d’avoir dans son catalogue au moins un titre de Simon Boulerice.
Alors, où est le problème? Le problème, si problème il y a, c’est que je fais bande à part. Ce que j’ai lu de Simon Boulerice m’agace. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. J’ai abandonné Javotte (Leméac) après cinquante pages. Je n’ai pas terminé Martine à la plage (La mèche). J’ai trouvé un peu d’intérêt à Jeanne Moreau a le sourire à l’envers (Leméac) pour la thématique abordée (l’anorexie masculine). J’ai persisté. Je viens de terminer Le premier qui rira (Leméac) et j’ai lu avec ma sauterelle Albert Ier, le roi du rot (La Bagnole). J’aimerai tellement, moi aussi, m’écrier: «Wow! C’est incroyable, ce qu’il écrit, Simon Boulerice. Quel style! Quelle imagination!» Mais tout ce que je trouve dire, c’est «Ouin…»

Le premier qui rira, donc. La quatrième de couverture m’a franchement tentée. Et puis, trois personnages dont les destins finissent pas s’entrecroiser, ça me plaît toujours, ça. Il y a Alice, la quarantaine, mère monoparentale de deux vrais flancs mous d’ados. Elle travaille au Tigre Géant, passe ses mardis soirs au Club du rire de Saint-Rémi-de-Napierville et est accro à YouTube et Google. Elle s’ennuie beaucoup dans sa vie.
Il y a Gabriel, un dramaturge homosexuel qui passe son temps sur des sites de rencontres afin d’oublier le beau Sylvestre, son jeune amant. Il aime aussi se ronger les ongles d’orteils. Il a un sérieux problème de dépendance affective. Ce n’est pas d’amants dont il a besoin, mais plutôt d’un psy. Et il y a Xavier, un beau cégépien qui étudie en cinéma. Il passe sa vie en pyjama, est maniaque de propreté, obsédé par les taches et les microbes. Malgré sa relation avec la belle Sophia, il est toujours puceau.
Au travers des chapitres qui mettent en scène ces trois personnages, il y a des profils de sites de rencontres, des spams et des extraits de la pièce de théâtre écrite par Gabriel, dont le personnage principal, le Archie de la bd, doit choisir entre Betty et Veronica. Tout ça mis ensemble, ça fait beaucoup. Beaucoup trop.
Résultat: un roman inégal, qui aurait eu avantage à être resserré. Mais donnons à César ce qui lui appartient. Simon Boulerice a un grand talent pour s’immiscer dans le quotidien des gens sans histoire. Il arrive à dépeindre avec une grande justesse la misère humaine, la solitude, la quête éperdue d’amour et la dépendance affective. Sous des apparences de légèreté, il a une façon très habile d’entrelacer le tragique et le comique. Il a également un grand souci d’authenticité. Mais qu’Alice a des orteils «longs, jaunes et épais», que Xavier préfère pisser dans une bouteille de jus de pomme plutôt que de risquer de réveiller sa logeuse… C’est beau, l’authenticité, mais jusqu’à quel point? Vient un moment où, à mon avis, l’intérêt se perd. J’ai refermé le roman, fière de l’avoir terminé. Rien à ajouter.
Le premier qui rira, Leméac, 2014, 288 p.
Puis ma sauterelle et moi avons lu ensemble Albert Ier, le roi du rot. J’ai acheté l’album pour les illustrations de Julie Cossette, dont j’adore le travail. J’ai relu l’album trois autres fois, pas trois fois de suite, afin de prendre du recul. J’ai cherché à comprendre le but, l’intérêt de cette histoire d’un petit garçon qui rote. Je ne comprends pas. Je pense que c’est supposé être drôle. Je suis très bon public pour les histoires de Pipi Caca Prout. Ma fille aussi. Les rots aussi, ça peut être franchement drôle. Mais là… Vraiment, je n’ai rien compris. Léa non plus. Sans rancune Simon. De toute façon, tout le monde t’adore. Si jamais quelqu’un comprend Albert Ier, le roi du rot, vous voulez bien m’expliquer?

Albert Ier, le roi du rot, La Bagnole, 2014, 32 p.
© Annik MH De Carufel