Mélanie m’a poussée, sans le savoir, vers Françoise Sagan. Je me rends compte qu’il nous arrive souvent d’emprunter les mêmes sentiers littéraires. Elle adore Sagan. Je ne l’ai jamais lu. L’envie m’a prise de la découvrir. Mais par quel bout commencer? Derrière l’épaule m’a semblé une excellente introduction et j’ai vu juste.
Il s’agit d’une autobiographie. Ce qui, à mes yeux, en fait tout l’intérêt, c’est la façon dont la table est mise. Sagan se raconte, déroule le fil de ses souvenirs, à partir des livres qu’elle a écrits. Elle a relu, dans l’ordre chronologique, ses douze romans, de Bonjour tristesse à Un chagrin de passage. Cet exercice de retour sur soi apporte un éclairage passionnant sur le contexte intime et social dans lequel ses romans ont été écrits et reçus. Son regard est modeste, sans complaisance, rempli de franchise et d’autodérision. Un peu de soleil dans l’eau froide est, à ses yeux, « le plus passionné et le plus passionnant » de ses livres. C’est ce roman qui lui a apporté de la considération pour elle-même. Des bleus à l’âme est son roman le plus personnel. À propos de Profil perdu, elle écrit: « C’est une histoire qui ne tient pas debout, qui est assommante, entre deux héros également sans intérêt. »
Mais j’ai toujours pensé qu’il y avait des familles sur la terre et que, en plus de ceux qui partagent votre sang et votre enfance, il y a aussi les familles du hasard, ceux que l’on reconnaît confusément comme étant son parent, son pair, son ami, son amant, comme ayant été injustement séparé de vous pendant des siècles que vous avez peut-être partagés sans vous connaître. Ce n’est pas ce qu’on appelle la famille de l’esprit ni celle des corps, c’est une parenté faite de silences, de regards, de gestes, de rires et de colères retenus, ceux qui se choquent ou s’amusent des mêmes choses que vous. Contrairement à ce qui se dit, ce n’est pas pendant la jeunesse qu’on les rencontre le plus souvent mais plus tard, quand l’ambition de plaire est remplacée par l’ambition de partager. Quand l’on ne cherche pas une éclatante victoire sur l’autre mais plutôt une paix honorable, quand on ne cherche surtout pas à découvrir la nature de quelqu’un, ayant compris qu’on ne peut connaître « vraiment » personne. Ce ne sont pas des propos pessimistes que je tiens là, tout au contraire.
C’est affreux à dire mais les souvenirs les plus marquants et les plus délicieux sont toujours des souvenirs solitaires. Les moments à deux, autrement frappants, dira-t-on, sont complètement débordés, annihilés par l’instant, par la vivacité de l’instant, par cette impression de fuite, de non-être que donne la passion. Seul, on remarque, on voit ce qui vous plaît. À deux, on ne voit que l’autre.
J’ai découvert une femme passionnante, brillante et fort sympathique. Maintenant, à moi la découverte de ses romans. Bonjour tristesse m’attend!
Derrière l’épaule, Françoise Sagan, Pocket, 2015 [1998], 233 p.
Je ne l’ai jamais lu mais j’ai plusieurs documentaires et ses interviews et j’aime beaucoup la personne ! Elle avait une voix et un phrasé si particulier – si tu l’as en tête cool sinon regarde sur YouTube je me souviens d’elle qui parlait si vite et vivait aussi très intensément
J’ai passé la soirée d’hier soir avec Françoise, sur YouTube, en cuisinant un carré aux dates. Quel moment mémorable, sans blague.
Belle entrée en matière ! Je suis loin d’avoir tout lu de Sagan ; je ne connais pas du tout son théâtre, par exemple.
J’adore la photo que tu as choisie pour introduire ton billet.
C’était une entrée en matière parfaite pour moi. J’étais toute vierge. Maintenant, je sais le chemin à suivre!
tentant ! peut-être pas pour tout de suite mais jour, oui, peut-être.
Pour aborder Sagan, ou pour lire une autobiographie originale, c’est l’ouvrage tout indiqué!
Dirais-tu que c’est l’âge (incluant une sensibilité affinée et la maturité?) qui change ton appréciation ?
Ça me fait penser à mes lectures actuelles (tu sais, les vieux romans canadiens-français jaunis)… Pour certains romans, il s’agit d’une relecture. Je n’avais pas du tout apprécié ma première lecture (j’étais très jeune et je me nourrissait plus, à l’époque, de littérature française). Aujourd’hui, mon appréciation est tout autre.
Je n’ai jamais lu Françoise Sagan non plus, tiens. Ton billet me questionne, et les extraits que tu partages me plaisent bien. Je note ce titre, je vais essayer de croiser son chemin.
Comme introduction à Sagan, histoire de mieux savoir dans quoi on met les pieds, je pense vraiment qu’il n’y a pas mieux!
J’ai lu quelques-uns de ses romans il y a bien longtemps et je n’ai jamais été passionnée… J’aime la personne, j’aime moins ce qu’elle écrit…
Après avoir lu Bonjour tristesse, je pense me ranger de ton bord: j’aime la personne, j’aime moins ce qu’elle écrit. Je vais tout de même tenter un autre écrit, peut-être pas un roman, par contre. Jamais deux sans trois!
Bonheur de te lire! Et de découvrir les extraits qui te parlent. Et maintenant, tu l’écoutes en cuisinant ☺️ Je ne suis pas certaine que ses romans vont te plaire, mais j’ai l’impression que tu accroches à son écriture et son style.
Ces textes autobiographiques et chroniques se lisent comme des romans.
Celui-ci n’est pas celui qui m’a le plus marqué mais j’ai trouvé l’exercice très pertinent. Peu d’auteurs nous offrent ce regard neutre en arrière sur leur travail. C’est aussi ce que j’aime chez Sagan, cet air désintéressé.
Tu devrais te régaler de Avec mon meilleur souvenir et Et toute ma sympathie, dans ces textes-ci elle revient sur tout et rien, souvenirs, rencontres avec d’autres grands écrivains ou personnalités, bref un délice!
Tu commences à bien me cerner! J’ai lu Bonjour tristesse. Je ne sais pas encore comment je me sens en sortant de ce roman… Je suis partagée!
J’aime la femme, j’aime ses réflexions et sa façon d’agripper la vie. Et, comme tu le dis, son air désintéressé.
Je pense poursuivre ma découverte avec soit Avec mon meilleur souvenir soit Et toute ma sympathie.
Merci pour tes bons conseils!
Elle fait partie de ses auteurs qu’il faudrait que je découvre un jour. Son tour viendra tôt ou tard.
Nous avons tous de ces auteur(e)s dont le tour viendra tôt ou tard. La liste est presque sans fin!