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Le Nord retrouvé · François Lévesque

Je me trouve dans une bouquinerie et je m’attarde sur ce roman avec « Nord » dans le titre et ses conifères en couverture. Je me dis: « François Lévesque, ça me dit quékchose… » Ben oui, c’est l’auteur de En attendant Russell, ce roman qui m’avait fait beaucoup d’effet. Mon hésitation tombe. Je rentre à la maison avec le roman sous le coude. J’ouvre Le Nord retrouvé et le charme opère dès les premières pages.

Akikatik, une petite ville minière dans le Nord du Québec, autrefois prospère, aujourd’hui à l’agonie. D’entrée de jeu, deux courtes pages pour évoquer la mort de Mikael, un métis beau comme un dieu. Le roman se dévoile ensuite par petits bouts, en quatre parties. Maurice ouvre le bal. Retraité de la mine, veuf, il ne s’est jamais remis de la mort de sa douce Nicole. La vieillesse le magane. Il commence à se perdre dans sa propre tête. Puis vient Gilbert, l’ignoble, l’infect Gilbert, le mari de Suzelle. Il est tellement ignoble, que je me dis que ça s’peut pas, que c’est ben trop. Le genre à passer son temps à jeter son fiel sur sa femme, à bulshitter sur les réseaux sociaux sous de faux noms, pis à se saouler de films pornos la main dans les culottes. Ignoble, j’te dis. Vient ensuite Suzelle, attachante, attendrissante. Ça fait longtemps que sa vie de couple est enterrée. Elle occupe son temps en faisant du bénévolat, tantôt à la bibliothèque, tantôt au presbytère. Tout pour sortir de chez elle. Elle aimerait déménager en ville pour se rapprocher de sa fille Karine, lui donner un coup de main à son restaurant. Mais Gilbert la garde dans sa grande maison – prison d’ivoire, lui fait du chantage financier. Autant Gilbert implose de fiel, jalouse et contrôle, autant Suzelle se soucie des autres, tricote des pantoufles qu’elle offre. Aux petits soins. Jonathan, le fils de Maurice, s’invite pour la fin. Le fils unique, blessé, dépourvu d’appétit de vivre, quitte la grande ville et rentre à Akikatik pour s’occuper de son père malade.

François Lévesque oscule à la loupe le présent de ces êtres. Mikael est le liant entre ces personnages. Il demeure, pour tous, « omniprésent dans son absence », surtout pour Jonathan qui n’a, depuis, « jamais retrouvé cette intensité du sentiment amoureux ». Comme dans En attendant Russell, le style m’a désarçonnée. La quasi-absence de paragraphes, les phrases solitaires collées les unes à la suite des autres demandent un temps d’adaptation. Maurice et Suzelle portent à eux seuls le roman. C’est d’eux dont je me souviendrai. Des personnages forts, aux multiples aspérités. Maurice et son désarroi grandissant, sa solitude, sa vieillesse pleine d’entailles. Suzelle, « son enfance et sa jeunesse, c’était Germinal version boréale ». Suzelle l’avide lectrice, ébranlée par un recueil de nouvelles de Simone de Beauvoir. La femme au foyer soumise, prise, qui finira par se déprendre. Un roman à l’atmosphère enveloppante, dont certains personnages continueront à m’habiter longtemps.

Le Nord retrouvé, François Lévesque, Tête première, 2019, 240 p.

Rating: 3 out of 5.

© pexels | Annika Thierfeld

12 comments

    1. Les trois étoiles s’expliquent par l’écart entre les parties: deux éblouissantes et deux moins prenantes, mais tout de même agréables à lire pour mieux comprendre l’ensemble.
      Serait-ce le temps d’un petit swap?!

      1. Arrête en parlant de swap, j’ai cherché cherché sur ton blog l’article où tu avais évoqué un swap, car suite au bug ou à ma lenteur je n’ai jamais pu lire ta réponse, mais introuvable!! Help ! Je suis 100% partante!

        1. Du coup, je me suis mise à la recherche moi aussi et niet! A-t-on rêvé, coudonc?

          Qu’importe! On se fait un swap! Je compte t’envoyer deux livres On se parle des détails en MP sur IG?

    1. Je te le garde! Tout comme En attendant Russell, je le conserve. Cette fois-ci, j’ai bon espoir qu’un roman québécois puisse te plaire

  1. Je ne connais pas du tout et j’ai très peur des « phrases solitaires collées les unes à la suite des autres ».
    Et sinon, mince de mince, mais comment fait-on pour s’abonner à ton blog, je vais louper des articles, moi !!! et ça va m’agacer…

    1. Le style, quoique très accessible, demande un temps d’adaptation. Mais une fois monté à bord – encore faut-il monter -, l’intrigue coule de source.
      J’ai bidouillé pour créer un bouton Abonnement, tout en bas. Il est là. Maintenant, reste à savoir s’il fonctionne Tu me diras si ça marche?

  2. Heureusement que je m’inquiète de ne pas lire tes chroniques… Comme Krol je ne veux rien rater et j’ai mis un raccourci sur mon téléphone …. Mon noeud au mouchoir en quelque sorte…

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