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Les enfants sont rois · Singulières · Le territoire sauvage de l’âme

Un roman dont le sujet est dans l’air du temps. Une pièce documentaire sur les femmes célibataires. Un roman de nature writing québécois. Pour des raisons différentes, je me réjouissais de ces trois lectures. Le verdict? Je me suis semi-forcée à les lire. Je pense que j’aurais mieux fait de sauter illico dans le roman qui occupe présentement mes heures.

C’était le premier roman de Delphine de Vigan que je lisais. Ce sera aussi le dernier. Le sujet m’intéressait pourtant. Les motivations des influenceurs et jeunes youtubeurs, ça me titille toujours la curiosité. Je l’ai lu d’une seule traite, prise dans le filet de l’intrigue. C’est un page turner, ce roman. Maintenant, pour ce qu’il m’en reste… À mes yeux, l’essence du roman se résume à ces deux passages.

Mélanie Claux voulait être regardée, suivie, aimée. Sa famille était une œuvre, un accomplissement, et ses enfants une sorte de prolongement d’elle-même. L’avalanche d’émoticônes qu’elle recevait chaque fois qu’elle postait une image, les compliments de sa tenue, sa coiffure, son maquillage comblaient sans doute une faille ou un ennui. Aujourd’hui, les cœurs, les likes, les applaudissements virtuels étaient devenus son moteur, sa raison de vivre: une sorte de retour sur investissement émotionnel et affectif dont elle ne pouvait plus se passer.

Il suffisait de regarder les plateformes de partage pour voir que la notion d’intimité, d’une manière générale, avait profondément évolué. Les frontières entre le dedans et le dehors avaient disparu depuis longtemps. Cette mise en scène de soi, de sa famille, de son quotidien, la quête du like, Mélanie ne les avait pas inventées. Elles étaient aujourd’hui une manière de vivre, d’être au monde. Un tiers des enfants qui naissaient avaient déjà une existence numérique. En Angleterre, des parents avaient partagé avec leurs abonnés l’enterrement de leur fils, mort quelques jours plus tôt. Aux États-Unis, une jeune fille avait tué son petit ami accidentellement en tournant une vidéo à sensation, destinée à devenir virale. Et aux quatre coins du monde, des centaines de familles partageaient leur vie quotidienne avec des millions d’abonnés.

Au-delà de ces citations? Une histoire assez bien ficelée pour avoir envie de tourner les pages. Le style, trop proprement écrit, m’a laissé de marbre. J’ai trouvé que la « résolution de l’enquête » tombait à plat. Le mari de Mélanie n’est qu’une ombre pâlotte. La dernière partie, un bond dans le temps en 2031, apporte la touche d’originalité manquante au roman. Mais là encore… ça ne m’a pas suffit. Le sujet n’en demeure pas moins intéressant. C’est la façon dont il est enrobé qui m’est restée en travers de la gorge. Ce que j’ai préféré par-dessus tout, dans ce roman? La citation de Stephen King en ouverture: « Nous avons eu l’occasion de changer le monde et nous avons préféré le téléachat. »

Les enfants sont rois, Delphine de Vigan, Gallimard, 2021, 352 p.

Rating: 2 out of 5.

Depuis ma montée de lait liée à la lecture de La fille de cinquante ans, je suis aux aguets. Je le cherche encore, cet ouvrage dans lequel le célibat serait présenté comme un mode de vie épanoui et stimulant. La parution de la pièce documentaire de Maxime Beauregard-Martin a piqué ma curiosité. Voici de quoi il en retourne: des « témoignages recueillis pendant deux ans auprès de femmes célibataires québécoises de trente ans et plus, issues de différents horizons.

Singulières propose une rencontre privilégiée avec une poignée de femmes brillantes, épanouies, lucides qui se démarquent par leur rapport au couple, à la maternité, au corps et aux attentes de la société. » J’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé la diversité annoncée. Des femmes brillantes et lucides? Sans aucun doute. Épanouies? Je me permets d’en douter. Au final, chacune de ces femmes porte son célibat comme un boulet, une croix sur le dos.

Parmi les participantes, Joëlle est celle qui m’apparaît la plus rayonnante. N’empêche…

Je vis vraiment bien avec ma solitude 95 % de la journée. Mais quand je me couche, que je ferme les lumières, que je suis plus en train de lire ou de taponner sur ma tablette, je pose la tête sur l’oreiller, pis c’est presque inévitable: j’ai un vertige. Je me dis que c’est pas normal d’être toute seule dans une aussi grande maison. Ça dure juste quelques secondes, mais des secondes dont je me souviens.

C’est-tu si rare que ça, un 100 %? Un 98 %? Le couple et la maternité sont toujours autant divinisés. La pression sociale est encore lourde à porter. Hors du moule, point de salut. Coudonc, y vas-tu falloir que je l’écrive, ce témoignage – récit sur la célibataire épanouie?

Singulières, Maxime Beauregard-Martin, coll. « L’instant scène », Instant même, 2021, 122 p.

Rating: 2 out of 5.

Guillaume quitte le Sud et part enseigner à Kuujjuaq, dans le Nord québécois. Il ne connaît à peu près rien des mœurs et des coutumes des Inuit. C’est grâce au hockey que le Blanc se mêlera à la communauté. Vite sur ses patins, Guillaume fait maintenant partie de la gang. Ces chapitres, écrits au tu, se mélange à d’autres, écrits au il. Guillaume, toujours. C’est le même gars, mais il vit maintenant en Estrie, dans les Cantons-de-l’Est. Il habite la maison de bois qu’il a lui-même sortie de terre, au cœur de la nature, avec sa blonde et ses trois jeunes enfants. L’étalement urbain, qui menace leur bout de territoire, les inquiète.

En gros, c’est ça l’histoire. Ça commençait bien. Le changement de narration, au chapitre 3, m’a étonnée. Je n’ai pas compris le pourquoi de ce changement-là. À peine débarqué dans le Nord, à peine installé, le gars est de retour dans le Sud, au présent. Le procédé m’a semblé maladroit ou inusité, j’hésite entre les deux. Le style sans relief est trop factuel à mon goût. Un roman de nature writing qui, à mes yeux, manque de panache.

Tu as voulu le Nord sans savoir ce que tu cherchais, sans savoir même que tu cherchais quelque chose. Tu as voulu le Nord comme un vide à combler.

Tu ne savais pas trop par où commencer. Une jeune fille a levé la main: Betsy. Soulagé, tu lui as donné la parole en soulignant sa politesse. « Monsieur, vous devriez vous couper les cheveux. Avec votre gros nez, vous n’êtes pas très beau! » a-t-elle dit. Si tu avais connu le Nord, tu aurais répondu par une blague, tu aurais compris que Betsy t’invitait à te présenter de la meilleure façon qui soit : en riant de toi-même. À la place, tu as fait comme si tu n’avais rien entendu.

Le territoire de l’âme, Jean-François Létourneau, Boréal, 2021, 144 p.

Rating: 2 out of 5.

29 comments

  1. Trois romans que je peux oublier alors ?

    Et quelle bonne idée que d’écrire un livre! Je serai ta première lectrice 😀

  2. je me souviens de notre dernier FaceTime ! je te trouve finalement pas si méchante que ça avec Le Vigan 😉 J’attends aussi de lire ton livre 🙂 et pour le dernier, bizarre c’t’histoire … je passe mon chemin pour les 3 !!!

    1. Dommage, oui. Heureusement, ils étaient courts!

      Pour l’écriture, je vais m’y mettre dans la semaine des quatre jeudis. Il paraît qu’il y en aura une l’an prochain! Je blague. Je cogite, brasse des idées. Après, on verra jusqu’où j’irai!

  3. Chouette ! Rien à noter ! De Vigan, j’en ai lu un, j’ai pas aimé, depuis… je n’y retourne plus, donc je n’étais pas tentée. Et le reste, j’oublie. Et là tu lis quoi ? Dis ???

    1. Quel De Vigan avais-tu lu? Elle est tellement portée aux nues… Je m’explique mal l’engouement.

      En tout cas, pas question que je remette ça, peu importe le titre. Son écriture, plate comme la toundra, m’a laissé froide comme le marbre. Que l’histoire nous emporte ne me suffit plus. Il faut des mots forts, bien arrimés.

      J’ai lu… un roman étranger que tout le monde ou presque a lu, publié dernièrement chez Gallimard. COUP DE COEUR! Tu devines?!

  4. Ah oui, vivement ton témoignage! Ne dit-on pas qu’on est jamais si bien servi que par soi-même?

    Le De Vigan, je l’ai aimé pour le sujet et tu as raison, il s’agit d’un vrai page turner. Je n’ai pas relevé une seule citation à part celle de Stephen King…mais le sujet m’a emportée. Celui qui m’avait vraiment mais vraiment bouleversée, tant l’histoire que l’écriture, était Rien ne s’oppose à la nuit. Complètement différent. Mais comme j’ai compris, là ce n’est le moment d’en rajouter 😉

    Pour les autres, je passe mon tour, pour une fois que je ne suis pas tentée sur ton blog… Hâte de découvrir quelle lecture occupe présentement tes heures!

    1. Pour mon « témoignage », je cogite, mais rien de concret pour l’instant!

      Pour De Vigan, tu as compris! On en rajoute pas. Déjà que je vais lire Sally!

      J’ai terminé le roman qui a occupé mes heures juste après ces trois lectures. Je l’ai malheureusement quitté depuis plusieurs jours. Je viens de terminer la rédaction de mon billet. Je laisse le suspense!

  5. Je trouve toujours très très « plats » les De Vigan….contente d’avoir un avis qui va ds le même sens que le mien 🙂 Je ne comprends pas l’engouement pour ses romans, le sujet était super mais au final….c’est nul….çà ne fait pas vraiment réfléchir tant c’est « poussé », l’enquête policière fine comme du papier à cigarettes ….

    1. Maintenant que tu le dis, c’est vrai que le roman n’ouvre pas à la réflexion. Le sujet en lui-même est pourtant si riche.

      J’ai eu un malaise, aussi, avec l’impression que De Vigan prenait parti et condamnait la pratique de Mélanie.

      Pour l’enquête policière… Il y avait une enquête? Je blague! Elle m’a semblé venir boucher un trou et être prétexte à présenter un portrait de femme diamétralement opposé à Mélanie. Bref, je l’ai trouvé de trop, même si c’est pas mal grâce à ce procédé qu’on tourne les pages avec autant d’avidité.

      Au final, ça s’arrête ici pour moi avec De Vigan.

  6. Je me souviens de ton billet. C’était d’ailleurs le premier avis négatif qu’il m’était donné de lire. J’en ai été… ravie!

  7. J’ai bien aimé, moi, les titres que j’ai lus de de Vigan : « Rien ne s’oppose à la nuit » et « D’après une histoire vraie ». J’ai trouvé le premier émouvant et le 2e habile. Ceci dit, tout ce que je lis sur son dernier roman ne me donne pas très envie.. Dommage pour le trio de décpetions, mais comme le disent mes consoeurs,c’est toujours ça de moins à noter (on se réserve pour ton futur récit !).. Et je suis impatiente de découvrir ton coup de coeur…

    1. Tu n’es pas la seule à être enthousiaste pour « Rien ne s’oppose à la nuit » et « D’après une histoire vraie », ses deux titres forts, d’après ce que je comprends.
      Je suis peut-être mal tombée avec « Les enfants sont rois ». Reste que je n’ai aucune envie de remettre ça.
      Le trio de déceptions ne pèse pas lourd parmi mes derniers coups de coeur! Histoire à suivre…

  8. Eh bien! Que des déceptions! Pour Delphine de Vigan, tu sais ce que j’en pense.
    Pour moi, l’enquête policière n’est qu’un prétexte pour aborder le sujet et cela ne m’a pas gênée durant ma lecture. C’est vrai que certains personnages (Clara par ex) manquent un peu de consistance, je ne vais pas le nier. Mais pour son sujet, très bien documenté, je trouve qu’il vaut le détour. C’est percutant et comme tu l’as dit c’est un excellent page-turner.

    1. Un excellent page-turner, c’est bien ce que je retiendrai! Chose certaine, tu as mieux apprécié que moi et c’est aussi bien ainsi!

  9. A nouveau un livre raté, donc, sur le célibat ! 95%, ok, mais elle précise que c’est 95% de la journée. Elle n’est donc pas heureuse la nuit, alors que moi, la nuit, seule dans mon lit, c’est le bonheur total. D’ailleurs ce matin je me suis réveillée en occupant tout l’espace et personne ne m’a chassée 😉
    Est-ce que c’est tellement compliqué d’être heureuse, seule ? Peut-être qu’on doit faire une enquête ?

    Si ça te dis, on peut en discuter ensemble !

    1. Idem pour moi! Mon lit, je ne le partage plus, sinon avec ma bête à quatre pattes. Plus de chicane pour les couvertures et le manque d’espace!

      Le bonheur en solo est une denrée extrêmement précieuse qui, à mon avis, se doit d’être encouragé, plutôt que dénigrée. Ça va au-delà des différences culturelles, tu crois? Même rengaine des deux côtés de l’océan?

  10. « C’était le premier roman de Delphine de Vigan que je lisais. Ce sera aussi le dernier. »
    Oh la la ! Quand j’ai lu ça j’ai cru vivre une sorte de dédoublement quantique, hahahaha. En effet, je n’ai jamais (encore) lu Delphine de Vigan, je ne sais pas, j’ai l’impression durable qu’elle n’est pas pour moi à chacun de ses titres qui sort, mais pour celui-ci je commençais vraiment à me dire que j’allais franchir le pas, et le lire.
    … Mais en lisant ton avis, hum, je vais m’abstenir, car il y a fort à parier que je ne vais pas accrocher non plus.
    « C’était le premier roman de Delphine de Vigan que je lisais. Ce sera aussi le dernier. » : sérieux, j’aurais pu écrire exactement ces mots-là si je l’avais lu et pas aimé – ce qui a vraiment failli arriver !
    (pliée de rire)

    1. Quel dédoublement quantique!
      Je suis ravie de t’avoir fait économiser. Sérieusement, ce roman jurerait sur ton blogue et je suis persuadée que le nombre de petites étoiles serait au plus bas!

  11. Je te trouve vachement dure avec Delphine de Vigan ! Tu devrais au moins tenter de lire « D’après une histoire vraie », qui est vraiment extraordinaire ….

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