Je sais, on ne compare pas des pommes et des poires. Loin de moi l’idée de mettre sur les plateaux d’une balance Jane Eyre et Bonjour tristesse. Je vais plutôt tenter de débroussailler pour quelles raisons le roman de Brontë m’a tant plu, alors que celui de Sagan m’a laissé de marbre, voire agacé par moment.
Je ne connais pour ainsi dire rien à la société victorienne du 19e siècle. Pourtant, cette méconnaissance ne m’a nullement empêché de tomber sous le charme de Jane Eyre. Je connais bien mal la France des années 50, mais je n’ai pas dans l’idée que de la connaître mieux m’aurait aidé à apprécier davantage le roman de Sagan.
Pourquoi j’ai cette impression que Bonjour tristesse vieillit mal, alors que Jane Eyre ne gagne aucune ride?
Tout l’enrobage autour du premier roman de Sagan a de quoi éblouir. Qu’une jeune fille de dix-huit ans publie son premier roman en 1954, loin encore de mai 68, m’impressionne. Sans cet enrobage, j’ai tendance à penser que j’aurai encore moins apprécié le roman. J’ignore dans quel contexte Brontë a rédigé Jane Eyre et, ici, je n’ai pas l’impression que de le savoir m’aurait fait davantage aimer son roman.
![](http://wp143134.wpdns.ca/wp-content/uploads/2022/01/71zDwLO1I7L-625x1024.jpg)
![](http://wp143134.wpdns.ca/wp-content/uploads/2022/01/9782264073525_1_75.jpg)
Faut-il avoir baigné dans une culture déterminée pour savourer à sa juste valeur sa littérature? Est-ce qu’un Québécois a plus de chance qu’un Français d’apprécier Trente arpents de Ringuet? Est-ce qu’un Français a plus de chance qu’un Québécois d’apprécier La terre de Zola? Je ne pense pas. Un Québécois et un Français peuvent tout autant tomber en amour avec Les raisins de la colère de Steinbeck? Tout se résumerait donc à une question d’affinités, de sensibilité et d’intérêts? Il est vrai que les jeunes orphelines m’intéressent davantage que les petites bourgeoises désinvoltes. J’ai aussi plus d’attirance pour les manoirs victoriens que pour les plages de la Côte d’Azur. Ce serait aussi simple que ça?
J’ai trouvé une froideur dans Bonjour tristesse, froideur que je n’ai pas ressenti avec Jane Eyre. Comparativement aux personnages de Brontë, ceux de Sagan me sont tous apparus antipathiques. Cécile, son père, sans parler d’Anne la hautaine: une belle gang de têtes à claques. Mais tout cela est bien subjectif… Quoique très différent l’un de l’autre, le style des deux romans m’a enchantée.
Toutes ces questions… Dis-moi, toi, tu en penses quoi?
© unsplash
Je n’ai lu ni l’un ni l’autre…honte à moi… mais Jane Eyre est dans ma PAL (depuis des lustres) et tu me donnes envie de le sortir 😉
Bonne journée,
Rebecca
C’est un roman captivant, divertissant (dans le bon sens du terme) et enlevant. Je crois que la traduction y fait pour beaucoup…
Je ne peux que te pousser à le sortir de ta PAL cette année!
J’ai lu les deux. Et je me sens moins seule parce que je n’ai pas du tout aimé « Bonjour tristesse » non plus ! Je n’ai pas trouvé les personnages sympathiques et je me suis ennuyée. J’ai bien aimé Jane Eyre par contre.
Du coup, je me sens moins seule, moi aussi! Je ne tiens pas particulièrement à avoir de la sympathie pour les personnages de roman, mais diantre, un minimum s’impose. Et, ici, ils m’ont tous semblé plus antipathique les uns que les autres.
Je n’ai lu aucun des deux, mais ta critique m’intrigue… C’est ma maman qui lisait Françoise Sagan mais est-ce que ça me plairait ? Aucun idée !
Toi qui vient de lire notre « roman commun », si ça peut te donner une petite idée, sache que j’ai adoré le roman de Brontë alors que je rame avec « notre » roman. J’ai très hâte, d’ailleurs, de te lire à ce sujet. Quant à moi, je m’y remets ce week-end!
Pour ce qui est de Sagan, j’aurais envie de te dire de tenter le coup, ne serait-ce que pour voir ce que ta maman y trouvait.
comme tu le sais, j’adore Jane Eyre, lui quand j’étais à la fac et depuis je l’ai relu plusieurs fois (assez rare pour le noter, et j’ai envie de le relire en 2022) je n’ai jamais lu Sagan et pourtant elle est partout. J’aime bien la voir dans ses interview ou documentaires mais je n’ai jamais été tentée de la lire, pourquoi ? je me sens comme tu le sais, tellement bien dans l’Angleterre du 19ème (ou la France à la même époque), je n’ai aucune envie par contre de lire des romans sur les années 50/60 sauf si on parle de l’après-guerre .. trop proche de moi ?
Je connais ton affection pour Jane Eyre. Je comprends moins bien ton affection pour Austen (mais c’est un autre débat!). En fait, je reprends ma lecture ce week-end. J’espère changer d’opinion et pouvoir te dire que moi aussi, j’adore Orgueil et préjugés!
Tu ne veux pas lire de romans français sur les années 50/60 parce que trop proche de toi? Ça ne te rajeunis pas Ta mère a lu Sagan?
J’ai enfin découvert Jane Eyre l’année dernière grâce au challenge de Fanny et Moka et je partage ton enthousiasme. Mais je n’ai encore jamais lu Sagan donc pas de comparaison possible, j’espère y venir un jour par curiosité malgré ta déception.
Quelle découverte, non? Comment ne peut-on pas apprécier ce roman? Je parle évidemment de Jane Eyre. Le challenge de Fanny et Moka nous amène à replonger dans les classiques avec une belle ferveur et un bel élan. Quelle initiative réjouissante et stimulante.
Quant à Bonjour tristesse, j’espère que tu y viendras un jour.
Voici mes propres expériences avec ces deux romans : J’ai découvert la littérature avec Jane Eyre que j’avais chipé dans la minuscule bibliothèque parentale un jour d’ennui et que je n’ai pas lâché. Un grand moment de lecture que je visualise encore quelques années (beaucoup) plus tard, allongée sur le parquet, le soleil parisien baignant l’édredon sur lequel je m’étais installée (tu vois c’est très présent). Et ensuite la lecture (adulte) a été ma meilleure compagne. Je viens de me le racheter pour le lire après beaucoup d’années et voir si la magie est toujours là. Pour Bonjour tristesse je l’ai lu une première fois il y a peut-être une quinzaine d’années et j’avais trouvé cela très fade et la description de cette famille bobo-riche et désoeuvrée m’avait exaspérée et je ne comprenais pas l’engouement pour ce roman. Mais, car il y a un mais, je l’ai relu très récemment et là je lui ai trouvé un charme fou. Je pense que le style est à rapprocher de l’époque, on écrivait pas au 19ème siècle comme au 20ème et l’univers de Brönté est loin de l’univers de Sagan. Certes l’écriture de Brönté est magnifique, envoutante et Sagan est plus réductrice, sèche, plaquée mais chacune je pense relate une tranche d’époque, très différente dans le contexte et la manière d’en parler….. Voilà voilà…. Au fait je viens de commander d’occasion Olive Kitteridge afin de faire sa connaissance et voir si nous allons faire un bout de chemin ensemble….. 🙂
Ton commentaire en lui-même est un réel plaisir à lire. Qu’un souvenir de lecture reste si incarné et si vibrant est fabuleux. Je t’y vois tellement!
Quant à Bonjour tristesse, l’écriture de Sagan ne m’a pas du tout gênée, bien au contraire. Je dirais même que c’est grâce à l’agencement des mots que je suis parvenue à me rendre au bout. C’est la fadeur de l’intrigue et ses personnages qui m’ont ennuyée. Roman d’une époque? Absolument. Maintenant, je me demande comment tu as pu, après une première lecture «exaspérante», trouver un «charme fou» à ce roman? C’est ce qu’on appelle changer son fusil d’épaule? La famille bobo-riche et désoeuvrée ne t’exaspère plus?
Je fais aussi partie des lectrices qui ont lu Jane Eyre sur le tard. Seulement l’année dernière. Un vrai page turner, alors que je pensais trouver ça long et prêchi-prêcha. Quels personnages et quel rythme!
Je n’ai jamais lu Bonjour tristesse, mais j’ai lu l’adaptation en BD. Je ne sais plus de qui, mais je me rappelle de la préface de Beigbeder, très agaçante avec un commentaire gratuit sur les féministes (d’après mon souvenir). Ça m’a coupé l’envie de lire le roman, mais Sagan n’y est pour rien.
Comme moi, tu es un lectrice de Jane Eyre sur le tard. C’est fou comme nos a priori peuvent être faux, non? Tu as bien raison, le rythme est enlevant et les personnages riches. J’en redemandais!
Je viens d’aller voir l’adaptation en BD de Bonjour tristesse. Peut-être que ça m’aurait davantage plus que le roman (en faisant abstraction de la préface de Beigbeder!)? Au final, la femme m’apparaît plus passionnante que son oeuvre. Pour avoir été lire le résumé de ses romans et avoir lu son autobiographie livresque Derrière l’épaule – au demeurant passionnant -, je n’ai pas trop envie de remettre ça.
Je me souviens vaguement d’avoir lu Bonjour tristesse, dans ma adolescence. Et d’avoir apprécié l’aspect fureur de vivre du personnage, mais ce roman est caractéristique justement d’ état d’esprit temporaire, ancré dans une problématique éphémère. Ce qui est très loin de Jane Eyre …
Un « état d’esprit temporaire, ancré dans une problématique éphémère »… C’est pourquoi, selon toi, que je trouve que le roman date et vieillit mal? Ça fait du sens… Ce qui, il est très vrai, très loin de Jane Eyre.
Mon principal souvenir de Bonjour tristesse reste le film, probablement un peu daté aujourd’hui mais comme j’aime les films de cette période, j’en ai gardé un bon souvenir. Il faudrait que je relise le livre.
Pendant une période, j’ai lu Jane Eyre chaque année, toujours avec le même plaisir, et je suis sûre qu’il en serait de même aujourd’hui. Pourquoi ça? Peut-être à cause de l’intensité de la personnalité de Jane Eyre, de sa détermination à penser qu’elle vaut elle aussi quelque chose. Peut-être aussi parce que Charlotte Bronte va à l’essence du personnage, et que cette essence débarrassée des conventions (de l’écriture, et de la représentation des femmes) de l’époque est encore reconnaissable aujourd’hui.
On pourrait aussi faire une comparaison avec Jane Austen. Après tout, elle aussi est restée une auteure très lue et appréciée, alors qu’il me semble que ses personnages sont bien plus ancrés dans leur temps. Mais ils n’ont pas le même pouvoir de fascination sur moi que Jane Eyre!
Et moi, il faudrait que je vois le film. J’aime aussi les films de cette période.
Et ta période de lecture / relecture annuelle de Jane Eyre, elle s’échelonne sur combien de temps?
Ta comparaison avec Jane Austen ne m’aide pas trop, là! Je suis embourbée dans une lecture commune d’Orgueil et préjugés. J’ai abandonné après 30 pages. Electra m’a fortement encouragé à reprendre. Je vais m’y remettre, mais mais mais… roman victorien pour roman victorien, rien à voir avec l’époustouflant Jane Eyre!