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Dialogue avec moi-même

– Veux-tu ben me dire ce qui t’arrive? Depuis ta lecture de Vernon Subutex, qui n’a pas été, je te le rappelle, un coup de cœur, tous les romans te tombent des mains.

– Parle-moé z’en pas! Je pense que le roman de Virginie Despentes m’a jeté un sort. C’est terrible et terrifiant. Ma PAL fond à vue d’œil.

– T’as tenté quoi, après le roman de Despentes?

– Je me suis plongée dans Oblomov de Gontcharov. Ça partait bien. Pis dépassé la centaine de pages, je bloque (caprice de lectrice) sur la description d’un rêve. Les rêves, dans les fictions, m’ennuient sans bon sens. Je suis allée zieuter plus loin et l’impression que ça tournait autour du lit, encore et toujours, m’a fait abandonner. Il y avait du mordant, mais j’ai freiné.

– C’était à prévoir! Après?

– Après, j’ai pensé qu’il serait plus prudent de revenir au contemporain. J’avais L’été circulaire de Marion Brunet à lire. Je pensais que ça le ferait, mais non. Impression d’avoir déjà lu ce roman. Au départ, c’est Varda que je voulais lire, mais comme il n’était pas encore arrivé au Québec, je me suis rabattue sur L’été circulaire.

– Là, c’était le temps que tu prennes une valeur sûre.

– C’est ce que je me suis dit. J’ai sorti Milkman d’Anna Burns, tant vanté par Hélène et Sonia. Alors là, j’étais subjuguée. Une voix unique. Des personnages taillé dans le roc. Je croyais mon problème réglé. Et v’la que l’ennui me prend. Je l’ai reposé, mais pas loin. Je suis revenue vers ma tasse de thé: la littérature américaine. Je me suis dit qu’un bon gros pavé allait me sustenter. C’était parti pour L’état des lieux de Richard Ford. Frank Bascombe et son cancer de la prostate me plaisaient. Arrivé autour de la page 200, l’ennui. Ça parle ben trop d’immobilier! Son collègue tibétain aurait pu me retenir, mais non. J’ai eu le malheur d’aller lire un brin sur le net. En apprenant que j’allais lire un roman de 800 pages qui se passe en trois jours, j’ai paniqué. Je n’allais pas me farcir les 600 pages restantes pour enfin mériter le souper de Thanksgiving qui réunit amis et famille.

– T’as abandonné après 200 pages?

– Oui!

– Tu devais capoter, rendue là?

– Je ne te le fais pas dire. Je fais la fine bouche sur tout, comme si rien n’arrivait à me rassasier. Une enfant gâtée juchée sur une montagne de bébelles, qui chiale de n’avoir rien avec quoi jouer. J’ai pris le taureau par les cornes et j’ai tiré de mes tablettes de plus en plus clairsemées Le chemin des âmes de Joseph Boyden. Ben après 25 pages, ça ne m’emballait pas pantoute. T’imagine, toé, abandonner un roman de Boyden? Après m’être délectée des Saisons de la solitude, Dans le grand cercle du monde et Là-haut vers le nord?

– Ma pauvre, c’est catastrophique. Ferais-tu une dépression littéraire?

– Figure-toé donc que j’y ai pensé. Pourtant, l’envie de lire est là, comme toujours. Je cherche les mots et l’histoire qui vont m’agripper. Un roman vers lequel je ne m’en pourrai plus de penser et vers lequel j’aurai envie de revenir. Je cherche LE roman avec lequel je tomberai en amour le temps d’une histoire. Découragée, j’ai repris Milkman. Je me suis dit que le style allait me faire chavirer. J’ai poursuivis une autre cinquantaine de pages. Et… rebelote.

– Décidément, ça jamme dans le coude, ton affaire!

– J’ai épluché ma PAL en lisant, comme il m’arrive de le faire, des premiers chapitres. J’ai élagué ceux qui m’ennuyais, ceux dont le sujet ne m’intéressait plus. Résultat, 9 romans en moins. Mon problème n’était pas pour autant réglé. Mais là, j’ai lu le premier chapitre d’un roman que je n’ai pas été capable de lâcher.

– Grouille, pis dis-moi c’est quoi, ce roman!

– Tu ne le connais pas.

– Justement, dis-moi le. Je suis curieuse.

– Patience! Ce sera le sujet de mon prochain billet! Tu comprends-tu, asteure, pourquoi je ne veux pas lire les deux autres tomes de Vernon Subutex?!

© unsplash | Bernard Hermant

35 comments

  1. Dans ma PAL, j’essaie toujours de ma garder un roman pour les périodes creuses, celles où rien ne me plait ! Je me souviens notamment de «La papeterie Tsubaki» qui avait joué ce rôle-là.

    1. Mais, ma question: comment arrives-tu à être certaine que le roman que tu a gardé pour les périodes creuses joue bien son rôle?

      1. En général, c’est parce que j’ai déjà lu des livres du même auteur (ou parce que les notes sur goodreads son dithyrambiques – du genre 4,5/5). Mais parfois je me trompe quand même hein !

  2. C’est pénible, quand tout donne une impression de déjà-lu ou d’ennui ! (mais Le chemin des âmes, non, ce n’est pas possible !) 😉

    1. Oui, d’un pénible indicible! Je sais: Le chemin des âmes!!! Ça montre à quel point ça ne tournait pas rond.

      Évidemment, je compte le lire du début à la fin, le moment opportun, sans douter qu’il me plaira, sachant que c’est le seul ouvrage de Boyden qu’il me reste à lire et que j’ai adoré tous les autres!

    1. Quand même un roman de Boyden n’a pas réussi à me sortir de cette torpeur, oui, l’heure a été très grave.

      La potion s’est révélée être de nature haïtienne!

  3. Je suis désolée pour toi, mais je me réjouis du billet que t’as inspiré cette panne !! Tu me donnerais presque envie de lire Despentes !

    1. Ne lis surtout pas Vernon. Le risque est trop grand. Sans compter que tes billets me manqueraient trop! À moins que tu pondes un dialogue avec toi-même et toutes tes bévues!

    1. Ça risque de frôler le nudisme… et comme je ne suis pas adepte…

      Heureusement, j’ai retrouvé des couches de pages à me mettre!

  4. MDR
    car on a eu cette conversation et j’savais pô que je parlais comme ça !!! 🙂
    Bon tant mieux si tu as trouvé la solution ! tu te souviens de moi et Ohio .. je n’ai pas pu lire une seule ligne pendant un mois, certains livres nous jettent des sortilèges !!
    allez ça va revenir 🙂

    1. Comment oublier ton traumatisme avec Ohio!

      Tu as eu la bonne idée de ne pas forcer la note et de faire autre chose. Moi, j’ai enfoncé le clou. D’où le résultat: hécatombe dans ma PAL. Si tu voyais comment elle est famélique, maintenant!

      Heureusement, ça n’a pas duré aussi longtemps que toi!

  5. Ce billet est succulent et je me retrouve dedans… il n’y a pas si longtemps, j’ai vécu la même chose. Mais quand même Le chemin des âmes, quoi ! Et puis franchement, Vanda, c’est génial et je suis sûre que ça te plairait, même si ça n’a pas la consistance d’un bon gros roman américain. Moi en ce moment, je m’ennuie dans Nos espérances de Anna Hope et j’arrive à rien non plus… alors je lis des BD et des romans jeunesse… Hâte de savoir quel roman tu n’as pas pu lâcher… Continue à écrire des billets comme ça, je suis fan absolue !

    1. Succulent? N’exagérons rien! J’aurais surtout préféré ne jamais avoir à écrire un tel billet!

      Je sais… Le chemin des âmes!!! Comment ai-je pu?

      Je n’ai pas dis mon dernier mot pour Vanda. J’attends son arrivée en poche au Québec, et je mets la main dessus. Je reste trop tentée!

      Nos espérances de Anna Hope. Que tu n’arrives à rien signifie??? Il te tombe des mains? Tu te forces? Ou encore?

      C’est vrai que les bd et les romans / albums jeunesse sont de fabuleux remèdes en de telles circonstances. Je n’en avais plus sous la main, sans quoi, tu te doutes bien que je n’aurais pas perdu plus de dix livres dans ma PAL!

      Mon billet «dialogue avec moi-même» t’a sustentée? C’était un plaisir à rédiger, malgré mon râlage du début! Ravie que tu aies pris plaisir à me lire.

  6. Je viens de subir la même chose après avec lu Lapin de Mona Awad… Celui qui m’a guérie c’est François Blais avec Document 1. J’ai lu la première page et je ne l’ai plus lâché.

    1. Ah, ce Lapin! Je tourne autour depuis sa parution. J’ai quelques appréhensions, sans doute infondées. J’aimerais bien que tu me dises ce qu’il a provoqué chez toi.

      C’est un grand soulagement lorsqu’on trouve LE livre «guérisseur». À ce que je vois, François Blais a bien joué son rôle de grand manitou!

      1. Avec Lapin, je ne peux rien en dire de bien ou de mal, c’est juste un livre très bizarre qui m’a embarquée et collée un peu trop longtemps. Par contre pour ce qui est de François Blais, si je ne me retenais pas, je callerais malade une semaine juste pour lire tous ce qu’il a écrit!

        1. La verdict vient de tomber: je passe mon chemin sur Lapin.

          La belle affaire! Grâce à toi, je viens de mettre la main sur trois romans de François Blais!
          Je n’en avais lu qu’un seul il y a plusieurs années, que je n’avais pas du tout apprécié. Question de disposition, je suis maintenant ouverte à (re)découvrir ses mots qui, après lecture d’extraits, me parlent énormément.

          Tu comptes poursuivre avec François après Document 1? Si oui, avec lequel?

          1. J’ai la classe de madame Valérie et Lac Adélard qui m’attendent.

            1. J’ai finalement mis la main sur Document 1. J’en convoite deux autres, que je cherche en usagé. Pas facile à trouver!

              La classe de madame Valérie est le seul roman de François déjà lu. J’en avais parler au tout début du blogue et ce n’était pas très heureux. J’étais donc rester sur une mauvais impression, que je compte bien réviser avec Document 1!

              En somme, merci d’avoir à ce point piquer ma curiosité pour cet auteur qui t’a donné envie de prendre une semaine de maladie pour le lire!

  7. Y’a pire évidemment. Mais je te dis pas dans quel état j’étais!

    J’ai dévoré LE livre qui m’a sorti du tunnel et j’en ai redemandé! Je suis bien remise en scelle, enfin!

    Pour l’interview, je préfère échanger avec les autres! J’ai pas mal fait le tour de moi-même!

  8. Le passage sur les rêves dans les romans me parle particulièrement. Pas capable moi non plus ! Et j’ai acheté Oblomov il y a quelques mois…

    1. Ah! Je ne suis donc pas la seule que les rêves des autres ennuient. Quant à Oblomov, tu n’auras qu’à sauter ces pages! Le reste m’amusait beaucoup! Je regrette presque de l’avoir abandonné…

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