Je sens venir une bifurcation dans mes goûts littéraires… Je vais tenter de te faire une histoire courte.
Mon entrée dans la littérature s’est faite par la grande porte. À quatorze ans, à moi La peste, prêté par l’amoureux – plus vieux – de l’époque. J’ai capoté ma vie. J’ignorais que ce genre de romans existait. J’ignorais surtout qu’il pouvait me happer à ce point. De fil en aiguille, les romans de dizaines d’auteurs français connus et reconnus du XXe siècle sont passés entre mes mains. Mon coup de foudre demeure vif pour Duras, Céline, des Forêts et Camus. Après quoi, j’ai reculé dans le temps et me v’la partie explorer d’autres contrées: Russie, Allemagne, Argentine, Portugal. Je lisais plusieurs ouvrages d’un même auteur plutôt que de m’épivarder. C’est ainsi que je suis tombée en amour avec Pessoa, Sabato, Hesse, Dostoïevski et Tchekhov.
Si, dans ma vingtaine, j’ai flirté avec la littérature contemporaine, ce n’est qu’à de très rares occasions. Je n’en garde aucun souvenir. En parallèle à mes études littéraires, je partais dans des délires, du genre: lire des journaux intimes, lire les suicidés de la littérature. Tu vois le genre?! Je vais abréger, parce qu’à ce rythme, on n’est pas près d’en finir!
Fin vingtaine, je bifurque: j’ai envie de lire sur l’aujourd’hui, le maintenant. J’ai soif de découvrir comment vit le monde qui m’entoure, monde dont l’intimité me demeure fermée. Je me tourne vers la littérature, québécoise et américaine, contemporaine. Je découvre la misère noire, l’extrême pauvreté, la violence gratuite, le racisme, l’homophobie, la solitude crasse, et j’en passe. La constante, là-dedans? La dureté de la vie. Mine de rien, je développais mon ouverture d’esprit et mon absence de jugement. Je découvre et m’accroche à certains auteurs, dont Lobo Antunes, qui vieillit avec moi. Je deviens aussi une boulimique d’albums jeunesse. Heureux hasard: quelques années plus tard, ma sauterelle naissait et avait pour elle une bibliothèque bien garnie!
Depuis plus de quinze ans, je me baignais majoritairement dans les eaux de la littérature américaine. Le reste, un tout petit bassin, était pour l’ailleurs au sens large. L’actualité littéraire n’avait plus de mystère pour moi. J’étais au courant des nouvelles et prochaines parutions, des prix (que je lis rarement), des buzz et des polémiques. Il y a eu, en 2014, la création de mon « journal de lectures », le blogue. Avec lui est venu la découverte des blogues avec affinités, ceux qui éveillent mes envies et me donnent des idées de lectures. Ces mêmes qui ont fait monstrueusement enfler ma PAL, avec de marquantes découvertes et plusieurs abandons.
Je te disais que je sentais arriver un tournant… J’ai toujours été quelqu’un d’intense dans ses passions, voire d’excessive. Du genre, à fond: à fond dans les classiques. Puis à fond dans le contemporain. Rarement dans le mélange. Est-ce l’arrivée imminente de la cinquantaine? J’ai envie de retourner à mes premiers amours en délaissant quelque peu les romans contemporains. Ceux que je lirai le seront à la suite d’un choix éclairé, sans l’impulsivité et la tentation du moment. Surtout, j’espère ne plus voir surgir au cours d’une lecture, comme ça m’arrive depuis près de six mois, la fichue question « briseuse d’ambiance »: Veux-tu ben me dire pourquoi je lis ça? Qu’est-ce que ça m’apporte? Quand ces questions se pointent dans ma caboche, ce n’est jamais bon signe. Je n’ai plus envie qu’un sentiment de vacuité me tombe dessus au milieu d’un livre. La vie est trop courte et il se publie trop de livres. Et je deviens de plus en plus capricieuse dans mes goûts.
Ma PAL compte maintenant une petite trentaine de livres. Je me retrouve au même point qu’il y a 8 ans, avant la création du blogue. Je me souviens de l’année 2017 comme d’une année d’étouffement. J’avais un peu plus de 300 livres en attente. J’ai frappé un mur. Plutôt que d’envisager ce mur à lire comme un avant-goût de découvertes et de plaisir, j’ai ressenti un étouffement monstrueux, un trop-plein paralysant. J’ai trié, fait des choix. Toujours est-il que ma PAL se porte à merveille et que les livres qui s’y trouvent seront lus. En août 2019, j’écrivais un billet sur le même sujet. À ce moment-là, après un gros tri, il me restait 65 livres à lire. Comme quoi je suis conséquente dans mon cheminement! Pour te donner une petite idée, j’ai envie de lire, très prochainement, Sagan et Carrère. De l’hier et de l’aujourd’hui. Deux Français, en plus. C’est-y pas beau, ça? D’ici la fin de l’année, j’aurai aussi lu (à moins que se pointe ma question « tueuse d’ambiance ») Charlotte Brontë (traduite par l’incomparable Sylvère Monod) et Lucy Fricke. De l’hier et de l’aujourd’hui! On verra bien pour la suite! On verra aussi si je ne suis pas prise par un nouveau délire…!
Tu as aussi ton propre parcours de lecteur·trice. Si tu as envie de me le partager, ici ou sur ton blogue (si tu en as un), j’aimerais beaucoup te lire sur le sujet.
© unsplash | Wander Fleur
Moi à 17 ans, c’est Bonjour tristesse qui a réveillé ma fibre littéraire en faisant vibrer quelque chose d’inconnu en moi. Et, c’est drôle, car les livres qui ont aussi marqué mon amour de la lecture, sont Jane Eyre et Les hauts de Hurlevent. Les sœur Brontë m’ont fait rêver de thé, de porridge, de bruyère et surtout, d’amour tourmenté. Que d’émotions dans ces histoires!
*soeurs
C’est drôle, je fais le chemin inverse, sauf pour Les hauts de Hurlevent, lu dans ma vingtaine. À moi, bientôt, Françoise et Charlotte!
J’ai bien hâte de voir si, à l’aube de la cinquantaine, les amours tourmentés me feront autant d’effet!
Merci pour tes mots.
Mon parcours de lectrice est différent du tien, mais ils ont pu se croiser à l’occasion. Je n’ai pas fait d’études en littérature, mais j’ai toujours aimé lire. Jusqu’en 2015, mon rythme de lecture était modéré (15-20 titres par année), mais j’avais toujours un livre en cours sur ma table de chevet. Cette année-là, j’ai rejoint un club de lecture. Puis ce fut la découverte des blogues et surtout de booktube et bookstagram. Mon rythme de lecture a alors explosé, multiplié par 4 ou 5, naturellement grâce aux possibilités d’échange et de partage. Je lisais jusqu’alors surtout du contemporain, beaucoup américain et japonais, et j’ai commencé à me tourner vers les classiques du XIXe et du XXe, incluant de la littérature étrangère. Paradoxalement, ce sont de jeunes booktubeuses françaises qui ont fait renaître cette envie chez moi. Depuis mes 50 ans (jamais trop tard!), j’ai lu comme ça plusieurs auteurs et autrices du XIXe et du XXe que je n’avais jamais lus. Par exemple, je viens de lire à 53 ans Jane Eyre pour la première fois et je l’ai dévoré. J’ai aussi découvert un tas d’auteurs importants dont je n’avais jamais entendu parler avant. Je sens que mon rattrapage de classiques ne fait que commencer et pourrait durer encore des années. J’adore ça. Je lis encore des romans contemporains, mais j’avoue être peu marquée la plupart de temps et je ne prends même pas la peine de les chroniquer sur Instagram, alors que je le fais pour la plupart des livres plus anciens que je lis.
Wow, 2015 marque une année de changement côté lectures. Les réseaux sociaux peuvent se révéler très profitables. Les envies se font contagieuses, sans parler du partage qui vient avec. J’aimerais bien trouver un club de lecture qui me convienne. Souvent, les formules proposées me laissent indifférentes.
Je suis ravie de savoir que même à la cinquantaine (j’y arrive avec joie), Jane Eyre peut faire autant vibrer. Je suis étonnées de constater à quel point les classiques nous marquent plus durablement que la littérature contemporaine. Un énorme merci d’avoir pris le temps de ma raconter ton parcours livresque.
J’ai toujours lu beaucoup, depuis l’enfance. Dès la fin de l’adolescence, je me suis tournée vers la littérature américaine et je ne l’ai plus quittée. Lors de mes études (en histoire), je me suis plongée dans l’histoire de la littérature européenne et j’ai lu pas mal de classiques européens, de Dante à Chaucer. Par la suite, je me suis laissée guider par mes goûts, des auteurs américains donc, et parfois japonais. C’est finalement assez rare que je lise des auteurs d’ailleurs mais ça m’arrive.
Ma PAL déborde depuis que je consulte des blogs livres, mais je tente chaque année de faire un nettoyage. Et j’ai ce challenge en cours un peu fou de lire tout Joyce Carol Oates (j’en lisais 4-5 par an au début, là, c’est retombé à 1-2). C’est vrai que ça me tente de lire quelques classiques mais je ne m’y suis pas encore mise.
Depuis 4-5 ans, je lis aussi énormément de non-fiction, beaucoup d’histoire, des livres sur le cinéma (ça c’est nouveau), des essais sur le féminisme…
Je suis contente que tu répondes!
Voilà un parcours très éclectique. C’est bien de ne pas se cloisonner dans un genre et de demeurer ouverte.
Je suis ravie de voir que tu poursuis ton challenge un peu fou de tout lire Oates.
On s’était dit qu’on lirait Austen ensemble. À l’hiver 2022, ça te dit toujours?
oui, ça me tente toujours ! je dirais « Raisons ou sentiments » ou « Orgueil et préjugés », pour rester dans le classique du classique, qu’en dis-tu ?
Orgueil et préjugés étant dans ma PAL, je serais tentée de m’initier à Austen par celui-là. Ça te va? Reste à fixer une date! Quelque part en février nous donnerait le temps de nous préparer. Qu’en dis-tu?
parfait pour février ! ça me laisse le temps de l’acquérir (et de réfléchir: en français ou en anglais ?).
Ce serait intéressant si tu le lisais dans la langue originale. Surtout que tu as la chance de pouvoir le faire!
Je prends le temps de te répondre sur ton constat de choix de lectures et je te rejoins totalement. Depuis que j’ai le temps de lire à temps plein….. je me suis laissée emportée par des lectures contemporaines mais au fil du temps je me suis aperçue que souvent je pensais en refermant le livre … Tout ça pour cela, rien de nouveau sous mes yeux et comme toi « cela ne m’apporte rien »…. Et quand je replongeais dans des classiques c’était plutôt : Ah oui, quand même ou Finalement ils avaient déjà tout dit, écrit, compris surtout quand je lis Steinbeck par exemple ou Romain Gary ou la littérature anglaise dont je suis grande fan et qui, du côté analyse psychologique et ambiance me comblent….. J’ai une PAL impressionnante de livres non lus mais également de livres à relire, comme Jane Eyre, un des romans qui m’a ouvert à la littérature quand j’étais très jeune et que j’ai envie de redécouvrir avec les années qui ont passé….
Je ne dis pas qu’il n’y a pas des pépites dans la littérature contemporaine mais je suis désormais de plus en plus sélective sur les sujets, il faut qu’ils m’interrogent ou m’interpellent ou font preuve d’originalité car sur certains comme les violences féminines ou sur les enfants (par exemple) il y en a tellement qui sortent qu’à force j’ai l’impression qu’ils noient le sujet. J’en préfère moins mais des bons et il m’arrive régulièrement d’être déçue, après avoir lu des avis dithyrambiques sur un livre et l’avoir sous les yeux ne pas avoir le même ressenti (mais tout dépend de nos exigences et nos attentes….). Je n’ai pas fait d’études littéraires, je suis une lectrice lambda, qui exprime son ressenti et attend la petite émotion, le petit frisson face à une construction, une écriture, une histoire ou apprendre, découvrir et être un peu moins bête une fois le livre refermé….. Je pense que nous allons continuer à nous suivre car nous avons des cheminements communs…. 🙂
Merci pour ce long commentaire.
Je n’ai rien à ajouter! Je partage tous tes mots. Tu exprimes magnifiquement bien où je me situe.
Sinon, tu imagines bien que je t’envie de pouvoir lire à temps plein.
Tu connais un peu mon parcours, et qui lui aussi a énormément évolué, tu sais qu’aujourd’hui je lis presque de tout (beaucoup de classiques, non fiction, etc…) donc du coup, merci pour l’idée ! Je suis ravie de voir que tu as Jane Eyre (et les commentaires rejoignent mon amour pour ce roman que je veux relire) et de voir l’Adversaire que j’ai relu chez toi un soir… y a pas longtemps !!! LOL
Si tu aimes celui-ci, je garde Limonov sous le coude pour l’été prochain
Je connais plutôt bien ton parcours. Je suis choyée d’être aux premières loges livresques depuis que je te connais.
Garde-moi sous le coude Limonov! À moins que je mette la main dessus d’ici là!
J’adore cet article! C’est super intéressant de se retourner un peu pour observer nos voyages de lectrices. Je vais y réfléchir aussi et peut-être écrire un article sur mon blog. Tu m’inspire! J’ai connu pas mal de changements aussi, ces derniers temps, surtout dans mes attentes d’un livre (quelque soit la nationalité de l’auteur ou le genre littéraire, plus en terme d’écriture et de rythme…). Je rejoins les commentaires pour dire « oui, oui, Jane Eyre, quelle fabuleuse rencontre, je t’envie de la découvrir ».
Je serais vraiment emballée de lire un billet sur le sujet sur ton blogue. Je vais rester à l’affût!
C’est vrai que nos attentes changent. Et tu fais bien de le préciser, quelque soit la nationalité de l’auteur ou le genre littéraire. J’ajouterai aussi l’époque.
Je suis de plus en plus exigeante. Il me faut une voix unique. Une bonne histoire n’est plus suffisante.
À moi Jane Eyre!
J’admire ta capacité à cadrer tes envies, à te recentrer sur ce qui est, pour toi, essentiel…
Le début de ma vie de lectrice ressemble un peu à la tienne, j’ai lu adolescente beaucoup de classiques (Camus, oui, et les russes, et Sartre, Sagan, les « grands américains »), mais j’étais aussi capable de dévorer 5 Stephen King d’affilée… ou tous les Sigrid Undset (cette auteure est complètement passée aux oubliettes aujourd’hui, je crois). J’ai eu ensuite une longue période polars, et pas que du bon (oui, j’avoue, je ne loupais pas un titre de Mary Higgins Clark…).
Tu vois où j’en suis aujourd’hui… ?! Je m’éparpille, je butine, et en même temps j’accumule. Réussir à sortir sans les avoir lu 5 titres de ma pile est considéré comme une grande victoire… jusqu’à la prochaine razzia en librairie ! Je suis faible, et boulimique. Mais à vrai dire, je crois que cela ne me perturbe pas vraiment, même si, en y réfléchissant un peu, je me dis que cela cache sans doute un truc un peu pathologique, et un peu trop intime pour que j’en parle ici 🙂 !!
Il arrivera peut-être un jour où j’aurai envie, comme toi, de revenir vers des « valeurs sures », de ne plus perdre de temps avec des lectures « bof ». J’aviserai alors…
Je suis en tous cas impatiente de lire le compte-rendu de toutes tes futures lectures !
Cadrer mes envies, c’est vite dit. Me connaissant, je demeurerai sensible aux envies impromptues. Reste que je veux fuir les romans qui m’amèneront à me demander: «Pourquoi je lis ça».
J’aime vieillir, mais mine de rien, il reste moins de temps devant et il y a tant à lire… Je serai plus sélective!
Comme toi, je suis passée par King. Il cerne si bien ses personnages. On a tendance à ne jamais le souligner. Tu dis vrai: on voit rarement les romans de Sigrid Undset. Qu’est-ce qui t’avais amenée à la lire?
Si je n’ai pas de misère à te voir lire des polars, je suis étonnée de ton engouement pour Mary Higgins Clark. (confidence: j’ai lu plusieurs guimauves de Elin Hilderbrand!).
Pour une fois que la boulimie n’entraîne pas de fâcheux désagréments… Vaut mieux accumuler les livres que les paires de souliers!
Lectures « bof »! Je retiens!
Pour répondre à ta question sur Sigrid Undset; je crois que j’y suis venue complètement par hasard : quand j’étais lycéenne, j’empruntais des livres à tour de bras à la bibliothèque municipale, et il me semble que j’avais tenté un de ses titres parce que c’était une femme du nord (j’éprouvais alors une fascination pour tout ce qui touchait à la Scandinavie, de Greta Garbo au peuple lapon, en passant par leur culture en avance sur l’égalité hommes-femmes…) !
Quant à Mary Higgings Clark, je crois que cela s’explique juste par le fait qu’elle se trouvait dans la bibliothèque parentale, et c’était facile à lire, entre deux Tolstoï !! J’ai arrêté quand je me suis rendu compte que j’en étais à identifier systématiquement les coupables avant la fin.
J’ai eu, moi aussi, cette passion et curiosité pour les pays scandinaves. Même si elle est moins vive aujourd’hui, elle demeure.
Tu avais de la chance d’avoir une bibliothèque municipale bien garnie! La mienne, dans mon petit patelin de l’époque, regorgeait plutôt de Mary Higgings Clark! Ce n’est pas là que j’aurais pu faire ma «culture littéraire»!
N’empêche qu’un Mary Higgings Clark entre deux Tolstoï, c’est pas mal du tout du tout!
Pas tant bravo à moi! Je me suis peut-être mal exprimé: je ne pourrai pas, comme toi, me passer de la littérature contemporaine. Par contre, je compte faire des choix plus éclairés, être plus sélective et surtout, moins focuser sur les dernières parutions. Retourner vers des valeurs sûres dont la découverte était toujours repoussée. En fait, je compte davantage mélanger l’ancien et le nouveau. Pour la PAL, tant qu’il n’y a pas de pression, il n’y a pas de souci. Les étagères qui débordent sont un moindre mal facile à gérer!
tiens, je le ressens aussi parfois ce sentiment d’oppression face à une PAL qui, finalement, n’est pas tout à fait mienne (entre des bouquins qui sont là depuis trop longtemps, d’autres qu’on m’a offert et qui ne me tentent pas vraiment, les romans de ma maman…^^) mais je suis incapable de faire le tri, vraiment. Et je ne suis pas loin des 300…
Tu peux me dire pourquoi tu te dis incapable de faire un tri? Je suis curieuse. Et tu es loin d’être la seule dans un tel cas.
Mon parcours ressemble au tien, en peu plus long, puisque j’ai quelques années de plus que toi, visiblement … J’aime bien lire l’idée d’apprécier de vieillir, chaque fois que j’exprime ce sentiment, on me regarde avec étonnement, alors que c’est véritablement ce que je ressens.
Je ne sais pas si je ferai comme toi un bilan sur ma position actuelle de lectrice, en réalité, parce que je ne sais pas trop si je me situe vraiment quelque part, j’aime bien butiner et avoir une réserve assez conséquente de titres chez moi pour pouvoir improviser mes envies …
Je suis cependant ravie de voir que tu as été accrochée par Carrère et que la question « briseuse d’ambiance » ne t’a pas traversé l’esprit ! Comme Electra, je conseille aussi Limonov !
Je pense que nous en aurions long à raconter sur la façon d’envisager la vieillesse.
Comme toi, j’aime butiner. Je n’arrive jamais à prévoir mes lectures à long terme, même à moyen terme. C’est, mine de rien, trop contraignant! Quant à avoir une réserve où puiser, c’est essentiel. Pour ma part, le problème de la pal surdimensionnée s’est pointé lorsque je réalisais que je préférais lire les derniers arrivés plutôt que de puiser dans les plus poussiéreux. Les tris me permettaient de réaliser qu’il y avait là des livres pour lesquels je n’avais plus d’intérêt et, par conséquent, d’élaguer.
Maintenant, je vais évidemment aller zieuter du côté de Limonov!
Allez, je prends quelques minutes pour mettre un commentaire…
J’ai fait des études de lettres et pendant des années je n’ai lu que des classiques, aucune BD, je n’étais pas très ouverte sur le monde, et surtout pas du tout sur la littérature contemporaine. Alors, tout Flaubert, tout Zola, beaucoup de Balzac, mais aussi Dostoïevski, Steinbeck, Hemingway… Aujourd’hui j’ai bien du mal à relire ces classiques, et notamment Balzac qui m’ennuie à mourir.
Je ne sais plus quand est venu le temps où j’ai commencé à lire de la littérature contemporaine, mais depuis que j’ai mis le pied dedans, je n’en suis plus sortie. Cela ne m’empêche pas de lire des classiques du vingtième comme Romain Gary que j’adore, Jack London que je vénère…
Et puis je me suis mise à lire de la BD très tardivement, j’avais plus de quarante ans, et j’adore, même si je ne lis pas de tout… Le graphisme est très important pour moi.
Quant à ce que je lis aujourd’hui, c’est beaucoup en fonction des blogs. Quel univers fabuleux, ces blogs, où l’on a l’impression de connaître parfaitement une personne à travers ses lectures. Les affinités qui y naissent et qui nous poussent à acheter certains romans plus que d’autres. Tiens, dernièrement, Bizzard…
Je suis ravie que tu entres dans l’univers de Carrère, c’est un auteur que j’adore, et pourtant d’ordinaire je n’aime pas la littérature qui mêle l’autofiction à la fiction, mais lui, le fait à la perfection.
Je n’ai jamais lu Jane Eyre, et pourquoi pas ?
Aujourd’hui, je lis beaucoup de littérature américaine, amérindienne, anglaise, je m’y retrouve mieux que dans la littérature française… Peut-être parce qu’elle est plus romanesque, qu’elle aborde des thèmes qui me révoltent, qui me font vibrer, qui me permettent de m’évader…
Je ne sais pas combien j’ai de livres dans ma PAl, parce qu’ils sont disséminés un peu partout chez moi (surtout depuis que j’ai déménagé) mais chaque année je me dis, à la rentrée littéraire, que je cèderai pas à l’envie d’acheter des livres et chaque année, je cède… mais de moins en moins… parce que j’ai une excellente amie bibliothécaire à qui je donne une liste de livres début septembre, qu’elle achète… C’est royal !
Bon, j’arrête ce commentaire, un peu long, tu as le droit de sauter des lignes… en plus, il n’est pas très bien organisé, je crois…
Je suis ravie de te lire!
J’ai lu chaque mots et tout est limpide!
Tu as tellement raison: plus on est fidèle à un blog, plus on a l’impression de connaître parfaitement une personne à travers ses lectures. C’est magique. Aussi, les affinités littéraires qui se développent sont généralement garantes de plaisirs de lectures à venir.
Une excellente amie bibliothécaire, c’est très précieux! Prends en soin!
Ton parcours me semble si équilibré. (C’est un beau compliment!)
Il y a des lacunes dans mes classiques. Certaines que je veux combler et d’autres qui ne m’attirent pas du tout (Proust, Joyce, etc.)
Petites questions, maintenant:
Est-ce que Carrère n’écrit que de l’autofiction?
Est-ce que tu as envie de découvrir Jane Eyre en ma compagnie d’ici la fin de l’année? On peu se permettre de l’abandonner si ça ne colle pas!
En ce qui concerne Carrère, en fait il mêle souvent sa propre expérience à ce qu’il raconte. Il va parler de quelqu’un et de lui, d’un événement et de lui etc… Mais je ne connais pas tout du tout…
Découvrir Jane Eyre, d’ici fin décembre ???? Impossible pour moi, c’est trop gros ! Et j’ai trop d’occupations, tu m’aurais dit avant juin, je tentais mais avant décembre, je ne peux pas Cela aurait été avec plaisir pourtant.
Et Proust… j’ai lu à la fac Du côté de chez Swann et j’ai adoré parce que le prof qui nous en parlait a bien transmis sa passion pour l’auteur. J’ai essayé de lire la suite toute seule quelques années après et j’ai abandonné ! Peut-être m’y remettrai-je à la retraite ? Ou pas…
J’aime bien l’idée d’entremêler sa vie avec l’extérieur. Sais-tu s’il fait de même dans Limonov, qui me tente de plus en plus?
Pas de souci, on se reprendra pour une LC. C’est vrai qu’il fait son poids, ce Jane Eyre. J’ignore si j’arriverai à me rendre au bout d’ici janvier, mais c’est dans mon intention!
Mais pour une LC, on oublie Proust!
Ah oui on oublie Proust ! Je n’ai pas encore lu Limonov… je l’ai dans ma liseuse… Mais je pense qu’il fait de même dans celui-ci aussi…
Histoire à suivre, donc!
C’est peu dire que ton article m’a nourrie de questionnements toute la semaine! J’y pensais souvent ces temps, à mon changement personnel de lectrice, et pas toujours en positif.
Aussi loin que je me souvienne, passé les lectures d’enfance, ce sont des classiques qui m’ont le plus occupée dans ma jeunesse. Je pouvais relire Une vie de Maupassant cinq fois de suite. A vingt ans, j’ai vécu un an à Londres et je ne lisais alors plus qu’en anglais, bizarrement beaucoup de polars (je n’en lis quasi plus), éberluée de réussir à lire dans une autre langue. La littérature contemporaine est venue à la trentaine et à petite dose, le plus souvent américaine.
Puis, j’ai découvert Sagan, sur le tard. Et depuis j’ai augmenté le rythme de lecture. Comme une révélation. Je me rendais à la bibliothèque, en librairie, piquait au hasard ou sur conseil des pros. J’ai commencé de suivre les rentrées littéraires, de lire beaucoup plus de nouveautés contemporaines, mais toujours des classiques. J’ai commencé d’apprécier de plus en plus les nouvelles américaines, alors que je croyais ne pas aimer ce genre.
Il y a quelques années, je suis tombée sur des blogs de lectrices avisées. Et petit à petit, ce sont devenues mes seules conseillères, en plus de mon instinct.
Puis il y a deux ans, mon inscription sur Insta et la création de mon blog ont changé la donne. J’ai encore eu plus d’envies, de tentations, les achats sont plus frénétiques et je réalise que ma PAL est beaucoup trop importante. Ça ne m’oppresse pas, mais si je lis plus qu’avant, j’ai paradoxalement l’impression de manquer de temps pour lire, conséquence de cette PAL sans cesse en augmentation je crois. Et je dois avouer ne plus consacrer assez de mon temps de lecture aux classiques et trop aux rentrées littéraires. J’y trouvais plus mon compte. Et au fil du temps, on devient sélective et un peu critique. Il devient difficile de prononcer magistral après une lecture.
Ton idée, un nouveau, un ancien me parle énormément. Et surtout, ton « plus de temps derrière que devant ». Lorsqu’on se dit pourquoi je lis ça, ne devrait-on pas poser le livre et passer à autre chose? Il nous reste tant à découvrir.
Merci pour ce billet inspirant.
J’avais hâte de te lire. Lire le fruit de tes cogitations!
Relire un classique jusqu’à cinq fois de suite? Tu peux m’expliquer pourquoi? Je comprends aussi qu’il me faut lire Une vie de Maupassant! Au moins une fois!
Je n’ai lu que Le Horla… Aussi bien dire un grain de sable dans le désert!
Tu as de la chance de lire en anglais… Je m’y mettrai peut-être à la retraite! J’ai deux regrets, dans ma vie: ne pas m’avoir donner les moyens d’apprendre sérieusement l’anglais, assez pour lire dans la langue originale, et d’avoir commencer à fumer. Deux, ce n’est pas si pire, mais c’est deux de trop! Heureusement, il n’est jamais trop tard pour renverser la vapeur!
Mon parcours, arrivé à la partie blog et Insta, est très similaire au tien. Comme toi, ils sont devenus mes influences et tentations littéraires. Ces découvertes font exploser une pal, j’te dis pas! La frénésie devient indomptable!
Tu réaliseras (où est-ce déjà fait?) que plus on baigne parmi les livres, plus on devient pointilleuse, voir capricieuse. Il est vrai que le mot magistral devient de plus en plus difficile à prononcer. Idem pour chef d’oeuvre.
«Pourquoi je lis ça» devient ma nouvelle marotte! Ce qui n’exclut pas qu’on peut lire jusqu’au bout un livre qui nous déplait. Ça m’est arrivée dernièrement… Ce n’était pas forçant! Il me fallait voir le bout pour être conséquente avec le sujet du livre en question.
Samedi matin, j’ai dévoré mon premier Sagan! Maintenant, je vais avoir le plaisir de découvrir, en ordre chronologique, son oeuvre romanesque! Tu vois l’influence que tu as sur mes lectures!!!
Vive les découvertes et… merci encore d’avoir pris le temps de me partager le fruit de ta réflexion.
Au passage, j’ai beaucoup aimé Jane Eyre que j’avais lu en anglais justement, même si j’ai préféré le Hurlevent de sa soeur. Et Carrère, j’adore, un must, celui-ci est dans ma PAL par ailleurs. Hâte de lire tes billets (je tremble un peu que tu n’accroches pas à Sagan…)
Hurlevent a bercé mes fantasmes romantiques! À moi, Jane, maintenant!
J’ai hâte de parler de l’Adversaire (une lecture ébranlante…) et de Sagan. Tu n’as pas à trembler. Bien au contraire!
C’est marrant que tu parles de tout ça parce que je suis un peu dans ce genre de questionnement moi aussi et forcément, ton point de vue m’interpelle.
Je n’ai pas fait d’études littéraires mais du plus loin que je me souvienne, vers mes 6 ans, j’ai toujours lu et beaucoup (beaucoup beaucoup !!).
J’ai eu une grande période de désert littéraire entre mes 22 et mes 30 ans (je lisais d’ailleurs des « classiques » à l’époque : Proust, Flaubert, Nabokov, Sagan, les Brontë..) et j’ai repris trop vite (et surement trop « fort » goût à la lecture vers 35 ans, où la frénésie, la BOULIMIE a commencé : je suivais de près les parutions, les avis etc..
J’ai créé mon blog juste avant ma première expérience de jurée pour un prix littéraire, et tout s’est accéléré, il me fallait tout, très vite (et je reconnais avoir un rythme de lecture un peu hors norme !).
Le grand « n’importe quoi » a été atteint avec Instagram, j’essayais parfois de trouver en librairie les romans ne devant paraitre que le lendemain.
Je reconnais qu’IG a complètement perturbé ma façon de lire (et d’y prendre du plaisir : j’enchainais les bouquins, parfois 2 par jour, sans prendre de temps de recul pour digérer ma lecture. L’exercice, l’expérience, m’ont lassée, on ne voit sur les fils toujours que les mêmes bouquins, avec des commentaires calibrés, mesurés (SP oblige ?).
J’ai fermé mon compte, tenté de me reconnecter à mon blog (on verra si ça sure).
Je lis toujours beaucoup (145 lectures depuis le 1er janvier 2021 – et je ne suis pas retraitée !) mais je choisis différemment.
Si je suis toujours portée vers les polars, je lis plus volontiers des essais, des biographies (dont bizarrement je ne parle pas sur mon blog) et je choisis mes romans en fonction de ce que j’espère y trouver (et non plus parce qu’ils sont tous frais tous neufs ou parce que « comme tout le monde en parle, il faut le lire »…).
J’ai appris, je crois, à me détacher de la « mode », des influences IG (que de navets encensés à tort par qq influenceuses !!).
Mes goûts et mes envies changent et c’est tant mieux, ça veut dire que je sais mieux quel livre va me transporter, et aussi, ah ah ah, que je vais faire des économies !!!
c’est chouette de réfléchir à ce sujet, merci de lancer le débat ;o)
Merci, Virginie, pour tes mots.
Je me doutais bien que tu étais une lectrice aguerrie de longue date.
Je comprends à quel point la frénésie peut prendre d’énormes proportions. Les bouquins ingérés en grande quantité peuvent finir par créer une indigestion! Je ne lis pas autant que toi, mais ce n’est pas faute d’essayer. Je suis irrassasiable!
Je suis contente de savoir que ton « n’importe quoi » s’est calmé. Instagram est porteur d’excès, et ce, à maints niveaux, voire de dérives. Je m’en suis beaucoup détachée; je limite mes publications, mes visites et surtout, je ne suis que les comptes qui font du sens pour moi. La course aux like et aux abonnés, j’ai donné. Je reste d’avis que les blogs restent un espace à soi plus intime et moins chronophage. Un espace plus centré sur soi, moins en représentation (IG).
Se détacher des modes et ne pas chercher à tout prix la visibilité ne peut qu’être sain, selon moi. Je remarque d’ailleurs un essoufflement, une légère lassitude chez certaines bookstagrammeuses. Elles ont moins envie de courir après du vent, compte tenu du peu que ce cela leur apporte au final…
Vive les goûts et les envies qui changent!
Et merci encore pour tes mots.
Eh oui, grâce à ton enthousiasme contagieux pour Sagan, j’ai enfin crevé l’abcès! J’ai dévoré Derrière l’épaule en un avant-midi. Maintenant, à moi ses romans, en commençant par le commencement, soit Bonjour tristesse.
Les délires de jeunesse sont souvent excessifs. Ce qui n’est pas pour me déplaire!
Je ne pensais pas avoir affaire à une ex-fumeuse intermittente. Quel peste, le tabac! Je projette, une fois de plus, d’arrêter! J’aimerais être une non-fumeuse à 50 ans. Il me reste jusqu’à l’été prochain pour y arriver.
Je te souhaite plein succès dans ton arrêt du tabac. Une peste si délicieuse tout de même.
A part ça, il faut absolument que tu visionnes le film Sagan…
Merci pour ce billet, qui résonne agréablement avec mes ressentis actuels, et m’a amenée à réfléchir à mon propre parcours de lectrice ; l’exercice a été amusant. Il a une constante : j’ai toujours énormément lu, depuis le début. Mes goûts littéraires ont évolué, comme toi. Collège et lycée, ce furent des classiques. Littérature française, et SF. J’ai vénéré Zola, Maupassant, Musset et Baudelaire. Barjavel, Frank Herbert et Van Vogt. Vers dix-sept ans j’ai noué une passion pour la littérature anglaise, découverte en parallèle du cinéma de James Ivory (j’allais beaucoup au cinéma). C’est amusant, car je pense que Jane Eyre a été un de mes premiers. Je l’ai lu d’une traite, éblouie et happée.
[anecdote amusante, qui m’a marquée] J’ai lu Jane Eyre en hiver, et ça devait être un samedi, car le soir mes parents sortaient. Lorsqu’ils m’ont dit au revoir, dehors il faisait nuit noire et j’étais plongée dans Jane Eyre, assise sur le canapé devant la cheminée. C’était un passage intense et angoissant avec du bruit au grenier, dans le roman, j’étais accrochée à mes pages, lorsque, à peine le bruit de la voiture de mes parents s’était-il éloigné, BIM ! : coupure de courant dans toute la maison. Dans la vraie vie. Obligée de trouver une lampe, sans trébucher sur notre petite chienne qui en menait moyennement large, à mon diapason, et de descendre à la cave pour trouver l’armoire électrique – une cave à recoins, qui me donnait déjà à elle seule les pétoches –, dont le général avait disjoncté. Sans raison. Trop de tension dans ma lecture, sans doute ! Hahaha. Alors tu vois, Jane Eyre, je me souviens de ma lecture ! [fin de l’anecdote]
Littérature anglaise, donc. Jane Austen, E. M Forster, John Fowles, les Brontë, Thomas Hardy. Là, je pense à Meryl Streep, car c’est grâce à elle que j’ai découvert Fowles (elle jouait dans La maîtresse du lieutenant français) puis William Styron, par son boulerversant Le Choix de Sophie. La littérature américaine m’est venue dans la foulée. En première au lycée, un jour j’ai vu arriver ma meilleure amie plongée dans un très gros poche. C’était Le monde selon Garp. Révélation. J’ai lu tous les John Irving. Comme toi, quand j’aimais un auteur, je lisais toute sa bibliographie à la suite. Quand j’aimais un acteur, un réalisateur, je matais tous ses films, pareil. Encore maintenant, cela m’arrive. Je suis un peu d’une nature propice à l’addiction, je crois. Hahaha. Aujourd’hui moins, par contre, en littérature. Je crois que c’est depuis le blog (2015, pour moi) : je me préoccupe beaucoup des nouveautés et les sollicitations étant aussi passionnantes que nombreuses, je m’éparpille. Et j’ai l’impression de manquer de temps. Quand j’y pense, je suis presque certaine que c’est la littérature américaine qui m’a amenée au contemporain. Fante, Jim Harrisson, Toni Morrisson, et puis les auteurs autochtones, Dee Brown, James Welch, Louis Owens, Leslie Marmon Silko. Et ensuite, ce fut l’ouverture au monde : j’ai commencé à lire Garcia Marquez, Zweig, Süskind. En parallèle, j’ai découvert Camus et Roman Gary. Grande passion.
Ensuite, en 1996, j’avais 26 ans lorsque j’ai plongé à coeur perdu dans la littérature irlandaise. Toutes les années qui ont suivi, j’ai aussi beaucoup lu de fantasy (Môme, mon rêve était de parler avec un dragon – ceci expliquant sans doute pourquoi je suis plus fantasy que polar). Robin Hobb, Raymond Feist, David Eddings, Anne McCaffrey… J’ai lu d’énormes cycles à huit, dix, douze volumes, avec délectation. Et à côté, en littérature blanche, je n’ai plus lu que des contemporains, de toutes nationalités.
Aujourd’hui, mon fil rouge de lectrice est exclusivement la littérature irlandaise, et ce n’est pas près de changer. Même si je lis autre chose, et que j’essaye de sortir régulièrement des anglophones. Aucune lassitude, bien au contraire.
Mais pour le reste, depuis mars 2020 j’ai commencé à lire moins de nouveautés tout juste sorties du four, et ça m’a trop plu. Cette année, la tendance s’est confirmée. En début d’année j’ai encore acheté beaucoup de nouveautés, mais franchement ça m’a saoulé : ces livres se sont entassés sans que j’en lise une grande partie – la prise de conscience s’est faite cet été : l’impression d’une fuite en avant génératrice de frustration, de ne pas avoir assez de temps pour lire, alors que je lis toujours énormément. L’envie de ne lire que des poches, juste parce que marre des grands formats synonymes de nouveauté. Du coup, depuis cet été, j’en ai acheté très peu (par rapport à d’habitude) et surtout je les ai lues direct. Ce qui m’a laissé le temps de lire pas mal de celles achetées en début d’année. Et je me sens tellement mieux. Là, j’ai juste envie de me poser et de lire tous les Richard Russo, de plonger dans l’oeuvre d’Angela Huth et dans celle de Tracy Chevalier, d’épuiser encore un peu plus ma pile à lire irlandaise.
J’ai envie – et besoin – de prendre le temps à nouveau, et je compte bien m’en donner les moyens !
(ceci est un record de réponse fleuve !)
Et sinon… ta formulation m’intrigue : « Veux-tu ben me dire pourquoi je lis ça? Qu’est-ce que ça m’apporte? » Qu’entends-tu par là exactement ?
C’est précisément ce que j’apprécie, avec ce genre de billet: découvrir plus avant les lectrices (et quelques lecteurs) que je suis avidement. Un peu comme d’aller jaser livres autour d’un café (ou d’un thé, ou d’un verre de vin). Merci pour ta réponse fleuve. J’aurai aussi pris une réponse océan!
Vous avez l’avantage d’avoir, au collège et au lycée, l’«obligation» de lire des classiques, même si, je m’en doute, plusieurs rechignent à la tâche. Ici, rien de tel. Même à mon époque, le plus «classique» que j’aie eu à lire était L’enfant et la rivière de Bosco. Choix étonnant, qui m’avait fort ennuyé par son cadre bucolique exacerbé. Aujourd’hui, que lis ma sauterelle de 14 ans dans son cours de français? Un roman obligatoire: Central Park de Guillaume Musso. Elle n’aime pas lire (jusqu’à maintenant, la pomme est tombée loin de l’arbre!) et ce roman ne lui fait pas plus aimer la lecture. J’ai lu mon premier Musso, histoire de l’accompagner. Rien à ajouter!
Ton anecdote autour de Jane Eyre est tout simplement délectable. J’adore quand on peut relier un livre à un moment de notre vie. Il en devient plus précieux, consistant.
Je me demande si nous n’avons pas lu en même temps Le Choix de Sophie! Pour ma part, je suis arrivée à Styron avec Un lit de ténèbres. Après, j’ai épluché son oeuvre avec délectation.
Comme toi, quand j’aime un auteur, je lis toute sa bibliographie. Moins à la suite qu’avant, mais toute quand même. Et, comme toi, une nature propice à l’addiction. Au point que ça peut devenir dangereux. Je regarde très peu de séries, par exemple, parce que je regarde en rafale. Impossible d’arrêter. Donc, une saison s’écoute en une soirée-nuit et petit matin.
Nous avons commencé à bloguer à peu près en même temps. Et dire qu’on ne se suivait pas, faute de s’être trouvé!
Ton parcours est passionnant et impressionnant. Quelle culture littéraire, miss. Et cette affection pour la littérature irlandaise qui continue de progresser. Fascinant.
Je pourrais quasi reprendre le fond de ton dernier paragraphe. La lassitude des nouveautés, d’être au courant de toutes les parutions, une effervescence effrénée etc., m’a aussi gagnée.
Prendre le temps et s’en donner les moyens. Je fais mien. Et aller au bout de ses envies plutôt que de s’affoler devant le dernier «best-sellers» parce que tout le monde le lit.
Et… tu ne rêves plus de parler avec un dragon?!
Par « Veux-tu ben me dire pourquoi je lis ça? Qu’est-ce que ça m’apporte? », j’entends que lorsque me viennent ces questions en cours de lecture, c’est signe que je n’ai pas bien choisi le livre en question ou qu’il s’agit d’un mauvais timing et que je ferais mieux de laisser tomber. Je n’ai plus aucun scrupule à abandonner un livre, contrairement à avant (on recule loin, là), où il me fallait me rendre au dernier mot. Par respect pour l’auteur qui l’avait écrit. (Comme s’il allait me punir d’abandonner!)
J’ai envie d’être plus sélective. Terminé (ou presque) le livre acheté sous le coup de l’impulsion suite à un billet tentateur? Le livre demandé en sp parce que l’intrigue me tente? Le livre acheté parce que les livres de cet auteur me plaisent? Aussi, un livre choisi sera vraiment choisi, parce que j’ai vraiment envie de le lire et que je m’attends (sans trop d’attentes, quand même) à ce qu’il m’apporte quelque chose: sur l’Histoire, sur l’Homme, sur sur moi-même), le tout porté par une voix propre, un style qui me plaît.
Une réponse fleuve, cette fois! Merci encore, Hélène, pour ce partage et cet échange.
Pour ces billets papotages, je trouve le format blog bien plus adapté : cosy, en quelque sorte. Sur insta, j’ai plus l’impression d’échanger dans les courants d’air, un peu comme un bavardage agréable mais où on ne rentre pas entièrement dans les détails de sa pensée, car on a un métro à prendre. Et puis on ne sait jamais trop si quelqu’un ne va pas nous couper la parole en milieu d’idée… la spontanéité y est agréable, mais elle entraine parfois aussi une certaine superficialité, je trouve. En tous cas moi je me sens souvent moins à l’aise pour échanger. Sur les blogs, on peut parler tranquillement ou pagayer avec énergie entre les idées qui nous viennent. J’ai l’impression d’y avoir plus de place pour réfléchir, finalement. Pendant pas mal d’année, avant mon blog, j’ai fréquenté des forums phpbb, dont deux où je faisais du RP, un role play littéraire où on incarne un personnage et on écrit dessus. J’ai longuement écumé la Bretagne vers 1455 et Paris et la Picardie vers 1415, haha. Le forum ou le blog, c’est agréable pour écrire. Le plaisir de la lenteur, peut-être.
Oh mince, pas de classiques à l’école, chez toi ? Bouhhh. A l’heure actuelle, en France, c’est un mix entre classiques et contemporains et je trouve que c’est intéressant, car pour ceux qui sont fâchés avec la lecture, les classiques c’est souvent quitte ou double, quand même : ça te crée un déclic ou ça te plombe l’envie à tout jamais… Mais là, Musso, aïe, c’est bon signe qu’elle n’accroche pas, non ? (rire).
Je me régale à te lire. Nous nous rejoignons sur beaucoup de points !
« et que je m’attends (sans trop d’attentes, quand même) à ce qu’il m’apporte quelque chose: sur l’Histoire, sur l’Homme, sur sur moi-même), le tout porté par une voix propre, un style qui me plaît. » : Tu mets les mots exacts sur ce à quoi j’aspire !!!
C’est décidé : je vais commencer 2022 en travaillant mon rapport aux nouveautés et à mes achats, pour revenir au maximum à mon plaisir de lire, à un enrichissement personnel et à mon parcours de lectrice et de vie !
Je suis d’accord avec toi. Le format blog est, pour moi, mieux adapté aux échanges et au réflexion. IG tend souvent plus vers le « small talk ». On regarde vite, on lit vite, on répond vite. Je lis rarement les longs posts IG (la plateforme me coince, j’étouffe et sature vite!) et j’écris court sous les miens (mes gros doigts s’enfargent dans le clavier du portable!). On visite un blogue par choix. Il ne nous tombe pas sous les yeux. Avec IG, on fait défiler, on survole, on se rince l’oeil. C’est plus superficiel et impersonnel.
Je ne connais rien aux forums. Je devais être plongé dans un livre et écrire mes comptes-rendu dans un bon vieux Moleskine pendant que tu incarnais un personnage. Ça semblait chouette, ton truc! Ça n’existe plus?
Assurément, le plaisir de la lenteur joue. L’envie de moins s’éparpiller et d’être plus concentré aussi, je pense.
C’est un réel plaisir d’échanger avec toi. On fera le point longuement, à la fin de 2022. On verra quels ont été nos parcours (lectures, achats, rapport aux nouveautés, tri, gestion de la PAL…) On devra aussi parler de notre rapport aux blogues!