Search

L’accident du rang Saint-Roch · Jean-Marie Poupart

C’est la cabane délabrée en couverture qui m’a attirée. La quatrième de couverture encore plus. N’ayant fait ni une ni deux, j’ai embarqué le livre. J’ai lu les premières pages en me faisant un latte. Je l’ai terminé dans le bain deux heures plus tard, toute plissée. D’entrée de jeu, un narrateur-auteur apostrophe son lecteur: «Comme toujours, trois ou quatre débuts s’offrent à l’esprit. Ce matin, je m’installe devant l’ordinateur et la scène du chaton qui gît sur le bord du chemin me paraît une bonne façon de commencer. Si j’avais amorcé ce récit il y  a un mois, les prémices en auraient été différentes.» Début juillet, dans une ferme de bout de rang. Le vieux loue sa terre à son fils aîné. Il la lui loue au prix fort, «plus cher qu’il ne la louerait à un parfait étranger. Les voisins le savent et ça les fait beaucoup jaser.» La mère a quinze ans de moins que son mari. Un deuxième fils, le frisé, a fui le rang pour la ville. Il vend des assurances et s’est mal agencé avec Mado, sa nouvelle blonde. L’aide-infirmière recyclée en danseuse topless n’a pas la langue dans sa poche… Un après-midi, dans le champ de tomates, la pioche accroche accidentellement la joue du vieux. Il gueule, le vieux. Fort. Un mot de trop et la vieille lui assène plusieurs coups de pioche. Elle le pense mort, fait appel à ses fils. Mais le vieux coriace respire encore. Que faire? Le soigner ou l’achever?

C’est ma première rencontre avec un roman de Jean-Marie Poupart. Un petit quatre-vingt-seize pages dévorées dans le temps de le dire, une intrigue bouclée en moins de vingt-quatre heures, aucun temps mort. Les personnages sont pris dans l’engrenage de leur quotidien. Le vieux, odieux et colérique, est exécrable avec sa femme, ses fils, ses voisins. La femme du vieux mène sa bosse, usée jusqu’à la corde. La haine finit par exploser. Parce que trop, c’est trop; assez, c’est assez. Les deux fils se transforment en complices. Pendant que le vieux agonise, sa femme, ses fils et la bru magouillent sans remords pour ne pas laisser de traces. L’ambiance sordide et inquiétante est allégée par les interventions du narrateur-auteur. Il digresse ici et là sur les rouages de l’intrigue, sur le processus de création. Le mélange de cruauté et d’humour est savoureux. Le style est vif, cinglant. La fin est stupéfiante. J’ai pensé au David Vann d’Impurs avec un côté pince-sans-rire en plus. Une lecture pas piquée des vers, un brin revigorante, comme j’aime.

L’accident du rang Saint-Roch, Jean-Marie Poupart, Bibliothèque québécoise, 1991, 96 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Shreyas Bhosale

10 comments

  1. C'est fou! Ici, il ne coûte presque rien.Il est terrible, en effet. En même temps, La situation est tellement grosse que c'en devient presque risible. Et c'est ce qui m'a plu!

  2. Quelle ambiance ! Et surtout si tu cites Impurs j'imagine bien ce que ça doit être! ( Je viens justement de sortir d'un livre à l'ambiance glaçante…j'en parle bientôt!)

  3. Lu dans le temps de le dire, juste le temps de reprendre son souffle. Dommage, mais je doute que tu puisses mettre la main dessus par chez toi. Du Québécois pure laine, paru il y a plusieurs années…

  4. Hâte de découvrir quel est ce livre à l'ambiance glaçante!Ce petit roman s'insèrerait plutôt mal dans tes tablettes. Tu en as eu assez avec \ »Impurs\ »!

Comments are closed.

Close
Close
%d bloggers like this: